LE TRAVAIL DANS LA PENSÉE DE JEAN-PAUL II

Il y a quelques années, le réseau Vocare avait demandé au Père Joël Boudaroua, actuellement prieur de la Sainte Baume, de lui dispenser une formation sur le Travail. Pour cela, il s’est appuyé sur la pensée de Jean-Paul II qui est peut être le seul Pape à avoir connu le monde du travail.
Nous sommes heureux de vous partager une partie de ce trésor !

1. « Le travail est l’une des caractéristiques de l’homme » 

Jean-Paul II a surtout rappelé que la personne humaine est au centre de la question du travail et la question du travail est au centre de la question sociale. Normalement, par le travail et dans son travail l’homme ou la femme se réalisent comme personne humaine : le travail humanise la société et la personne car « le sujet propre du travail reste l’homme …c’est en tant que personne que l’homme est sujet du travail» (LEx 5-6) et donc avant d’être une activité, un processus par lequel il domine la matière, une « marchandise que le travailleur vend à l’employeur», une force, la « force-travail » nécessaire à la production (7), le travail est une « valeur éthique liée au fait que celui qui l’exécute est une personne, un sujet conscient et libre, c’est-à-dire un sujet qui décide de lui-même… Le but du travail reste toujours l’homme lui-même » (6). Or, aujourd’hui le monde du travail et le travail lui-même tendent à déshumaniser l’individu. Quand les horaires, les rythmes, les temps de travail ne sont pas respectés, quand les travailleurs sont continuellement sous pression, quand ils subissent le harcèlement moral et/ou sexuel au travail, quand les conditions de travail sont de plus en plus difficiles, quand les rapports de rivalités au sein de l’entreprise conduisent à de véritables drames humains (fausse affaire d’espionnage chez Renault) ; quand la fatigue nerveuse s’ajoute à la fatigue physique, (déprime, désespoir, suicide  chez France Télécom) ; quand la question du chômage reste une menace pour beaucoup, on ne peut plus dire que le travail est une source d’épanouissement. L’enjeu est donc, selon un mot caractéristique du vocabulaire du pape JP II, autant la dignité du travail que la dignité de l’homme.

 

2. Le travail touche à la dignité de l’homme

Pour Jean-paul II le travail est un devoir de l’homme, une obligation morale (LEx 16) mais il y a aussi « des droits humains qui découlent du travail et qui rentrent dans le cadre des droits fondamentaux de la personne ». A ce titre l’Eglise a une parole à dire sur la nature et les conditions de travail et de développement humains. L’instrument que l’Eglise utilise dans cette réflexion est sa doctrine sociale : « La doctrine sociale n’est pas une troisième voie entre capitalisme libéral et collectivisme marxiste elle est une catégorie en soi » (41) elle n’est pas une idéologie mais une réflexion sur les réalités de l’existence de l’homme dans la société, elle relève de la théologie morale sociale, « elle est annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société », (in re sociali, = à l’intérieur des réalités, de la chose sociale) (Benoît XVI, CinV 5).

L’Eglise n’a pas de solutions techniques à offrir face au problème du chômage, de la crise financière, du sous-développement ; elle apporte sa contribution à la réflexion éthique de l’humanité sur ses pratiques et ses organisations ; elle peut donner des orientations, rappeler des fondamentaux trop souvent oubliés ; éclairer sur le fait que la question sociale n’est pas seulement économique, mais qu’elle est devenue une question anthropologique concernant la vie humaine dans toutes ses dimensions, concernant l’avenir même de l’homme sur la terre. 

 

3. Théologie et spiritualité du travail

In fine, demeure une théologie et une spiritualité du travail qui gardent toute leur importance et qu’il est bon de rappeler :

  1. Théologie : le travail est une partie substantielle de l’économie divine c’est-à-dire du plan divin. Il est, par l’homme et dans l’homme, la Création en acte : à l’origine du travail humain il n’y a pas d’abord l’idée que l’homme doit gagner sa vie à la sueur de son front, conséquence d’un mystérieux dérèglement dénommé « péché originel  ; « Au début du travail humain, il y a le mystère de la Création » (LEx 12). Dieu n’a pas crée l’univers tout fait, il a appelé l’homme à être son coopérateur dans l’organisation progressive d’un univers dont il doit être ainsi le démiurge et la conscience.

  1. Spiritualité : la conscience que le travail est une participation à l’œuvre de Dieu, doit imprégner toutes les activités de l’homme, des plus profanes au plus spirituelles. Notre vie spirituelle doit se nourrir du fait que Jésus, charpentier à Nazareth, a particulièrement aimé travailler : « Il appartient au monde du travail ; il apprécie et il respecte le travail de l’homme , il regarde avec amour ce travail » (LEx 26). Cette spiritualité du travail accompli avec amour, non seulement pour l’homme mais pour le Seigneur, peut redonner sens et espérance à une société « dépressive ». Pour Jean-Paul II, c’est seulement sur la base d’une telle spiritualité que l’idée de progrès et de développement humain intégral peut être réalisée et mise en pratique.

                                                                                                                 Fr. Joël-M. Boudaroua
                                                                                                                        Bordeaux – 7 juin 2011