Il fait la Une de Philosophie Magazine, Elle lui consacre un long article (Quand rater, c’est gagner), le rayon « connaissance de soi et développement personnel » de nos librairies le met en tête de gondole ; après les années valorisant le lâcher prise, le Power Patate et autres manuels de pensée positive, c’est donc (signe des temps peut-être) l’échec qui suscite depuis quelques mois l’intérêt de ceux qui nous aident à aller mieux.

Alors que le philosophe Charles Pépin lui consacre un essai (Les vertus de l’échec), c’est le livre d’Aude de Thuin, paru avant l’été, qui a retenu mon attention :  Forcer le destin , sous-titré « J’ai choisi le succès, l’échec m’a rattrapée ». Alors que cette entrepreneuse avait été pionnière dans ses audaces et ses réussites professionnelles (elle est la créatrice, entre autres, du Women’s Forum), elle l’est aussi sur le thème de l’échec, proposant un témoignage éclairé par l’analyse de la psychologue Jeanne Siaud-Fachin.

Un monde sépare les articles élogieux des magazines économiques et féminins louant cette femme qui écrivait alors  Femmes, si vous osiez, le monde s’en porterait mieux , et qui, par sa créativité et ses talents d’entrepreneur, a pu monter divers projets jusqu’à gérer 5 sociétés, dont une à New-York, au moment de son dépôt de bilan ; et celle qui, dans un récit sincère, souvent touchant, parfois agaçant, décrit le parcours qui l’a menée au dépôt de bilan, puis au tribunal de commerce, entrainant la vente de sa chère maison normande, la perte de son argent et de celui de son mari qui a toujours cru en elle. C’est le journal d’une femme atypique, hors du commun, qui jouit d’une vision intuitive du monde et de l’entreprise due à ses talents d’entrepreneuse ainsi qu’à sa précocité intellectuelle. Ses origines familiales l’ont conduite à se construire sur un mensonge autour de ses nom et prénom, qui constitue peut-être la fissure originelle. Elle s’est construite autour d’une image de femme forte : « on ne m’a jamais laissé la possibilité d’aller mal. » Sans larmoyer ni s’apitoyer, elle décrit à la fois sa propre descente, celle de nombreux entrepreneurs, anonymes et quiconque se trouve en bute aux sentiments qui accompagnent l’échec professionnel.

Notre travail d’accompagnement chez Vocare, particulièrement pour des adultes en questionnement, en déficit de confiance, en post-burn-out et autres situations douloureuses s’enrichit et trouve un écho dans ces différentes analyses de l’échec qui touche beaucoup de personnes et restait jusqu’à présent un sujet tabou, un aveu de faiblesse qu’il valait mieux cacher.

Au-delà des témoignages, ces analyses, réflexions et perspectives permettent de prendre conscience à la fois des difficultés multiples de ces situations et de la façon dont l’échec nous renforce si on le surmonte, de ce qu’il nous dévoile sur nous-même. « Se répéter chaque jour qu’on est super contente de sa vie, se satisfaire de ce qu’on a et être heureux de ce qu’on est devenu, malgré les crises, c’est pour moi la vertu principale de l’échec » (Camille Chamoux, comédienne)

FORCER LE DESTIN Aude de Thuin et Jeanne Siaud-Facchin, édition Robert Laffont

Christine Vaillant, consultante Vocare